Dans le prolongement de la sortie de LâannĂ©e de la dĂ©couverte, lâenvie nous a pris de prolonger lâoeuvre de Luis Lopez Carrasco. Soit un court, Aliens (2017) et un long, El Futuro (2013), qui Ă eux deux laissent entrevoir la face cachĂ©e du mouvement culturel que fut la Movida Ă lâorĂ©e des annĂ©es 80.
Face A: La mort du gĂ©nĂ©ral Franco marque lâavĂšnement dâune vague contre culturelle qui a spĂ©cialement essaimĂ© dans la musique. Les mĂ©dias â presse, radio, tĂ©lĂ©vision â profitant de cette libertĂ© nouvelle, ont largement contribuĂ© Ă faire connaĂźtre ce mouvement. Cette popularisation dâun esprit libertaire sâest notamment retrouvĂ© cristallisĂ© dans lâoeuvre du cinĂ©aste Almodovar, qui a donnĂ© Ă voir une image romancĂ©e et durable de la Movida.
Face B: La fĂȘte nâa pas durĂ©. MĂȘme, elle tient davantage de la gueule de bois que de la promesse dâĂ©mancipation. Câest du moins le constat que posent les deux films de Luis Lopez Carrasco. Ă la façon dâun archĂ©ologue, le cinĂ©aste creuse dans la matiĂšre musicale de lâĂ©poque pour faire entendre les inquiĂ©tudes quâelle contient:
«Je veux me baigner dans des mers de radium, avec des nuages de strontium, de cobalt et de plutonium. Je veux avoir des combinaisons de plomb et des enfants mutants Ă moto ». (Nuclear sĂ, Aviador dro, 1981).
Dans lâappartement dâEl Futuro, de jeunes progressistes fĂȘtent la victoire des socialistes aux Ă©lections gĂ©nĂ©rales de 1982. On ne les entendra presque pas car la musique prĂ©domine. Du choc entre les images et les sons, un trouble apparaĂźt : Quel sens donner Ă une fĂȘte, dont on ne sait si ces jeunes se perdent dans la dĂ©sillusion ou se projettent dans lâespĂ©rance socialiste ?
Ce retour Ă lâorigine de ce que fut le mouvement est Ă©galement le moteur dâAliens. En rĂ©unissant la parole, les poĂšmes et les peintures de Tesa Arranz, chanteuse des Zombies, Carrasco recompose le paysage dâune vie et dâune jeunesse dont le bonheur et la folie ont Ă©tĂ© voisins. En tĂ©moigne le rĂ©cit de Tesa qui prend les contours dâune science-fiction tant ses dĂ©sirs paraissent trop grands au regard du rĂ©el.
Cette histoire, les Disques Bongo Joe lâont Ă©galement traversĂ© avec la publication en 2018 de la compilation La Contra Ola â Synth Wave And Post Punk From Spain 1980-86 qui ramasse quantitĂ©s de morceaux produits durant cette Ă©poque. Ă lâoccasion de la projection de ces deux films, nous les invitons Ă passer quelques disques et partager leurs ressentis vis-Ă -vis de ce courant musical.
« Je vais devenir musique et mâasseoir joyeusement dans un coin et mon expression dâextase dĂ©truira le monde.
Et les quelques autres diamants brillants se joindront Ă moi sans me toucher.
Seul mon tourne disque ne sera pas détruit
et commencera son travail avide avec les nuages et le ciel ». Tesa Arranz.