Elles étaient une foi
Sortir de la Maison de Bernarda Alba pour mieux s’y installer. Sortir, puisqu’il s’agit de faire rayonner la pièce de Federico Garcia Lorca au-delà des murs de son époque, de ses moeurs et de sa localisation, l’Espagne. L’histoire, on la connaît, celle du deuil d’un père qui n’en finit pas, au prix du sacrifice de toute expression de vie et d’amour. On connaît aussi la « grande » Histoire qui lui sert de contexte : une dictature à laquelle vient faire écho celle entretenue, au nom du patriarcat, dans la maison de Bernarda. Condamnées au silence, au renoncement et à la réclusion, les femmes s’y dessèchent tandis que s’atomise la famille. Depuis, si des années de luttes ont permis de fissurer ces murs-là, leur ombre continue de se déployer sur la condition féminine et, plus largement, sur nos vies.
En s’emparant de ce classique, Thibaud Saadi réussit le tour de force de le bousculer tout en l’ancrant dans un réalisme qui nous le rend plus saisissable, plus sensible, plus actuel que jamais.