Camilo Agudelo est un photographe du singulier: de l’individu extrait du groupe afin de lui conférer une individualité durable ou éphémère, ou de l’équipe, la foule décomposée en mille fragments. Chacun semble soustrait à la pesanteur visuelle, le temps d’un coup d'œil, léviter au-dessous de l’image complète. Notre regard est devenu un prisme précautionneux: éviterait-il désormais la représentation entière, trop lisse et exempte de vérité objective? Singulière aussi la femme portant l’enfant, qui rappelle, dans un contexte de modernité immaculée, à la fois la Madone exposant son enfant et la Vénus de Botticelli, et singulières les pommes ratatinées, belles elles aussi dans leur voluptueuse décadence.
Les photos de l’artiste nous montrent la présence de l’humain, mais aussi son absence. Une présence rehaussée par l'extraction des sujets de leur contexte, comme les corps nageants sortis de l’eau, vivants mais sans le mouvement qui les maintient à flot. Et une absence qui semble invisible pour les yeux, car la photo montre toujours quelque chose, fût-ce le noir ou le blanc total. Les photos de Camilo Agudelo nous présentent l’absence de l’évidence, la présence de ce qui demeure caché, mais se trouve dans les interstices documentés entre les humains: sur un parking, un terrain de foot ou un stade plein de fans.
L’exposition réunit des œuvres appartenant à différents projets qui portent un regard détaché et intimiste, fuyant et lévitant au-dessus de l’évident – et restant en-dehors de l’humain et de sa mise en scène.