Don Quichotte monument de la littérature du 17e, né sous la plume de Cervantès, continue d’attiser les passions à travers les siècles. Quelle magnifique allégorie de la vocation artistique et de l’engagement de l’acteurice qui, au sens littéral, met en acte ce qu’il lit dans les livres. Accompagné d’une dream team composée de Jeanne Balibar, Thierry Dupont de la Cie L’Oiseau-Mouche et Marie-Noëlle Genod, Gwenaël Morin donne vie et voix à un théâtre qui sublime nos différences avec splendeur. Grand encanailleur de classiques, le metteur en scène réveille la fibre métaphorique du personnage et le catapulte ici et maintenant. Quichotte, un homme d’âge mur plaque tout pour s’aventurer sur les routes. Son but est clair : vivre conformément à ce qu’il a lu dans les livres. Une succession d’humiliations brutales répondront à ses actes hallucinés car l’idée est noble mais inutile, telle une utopie de bras cassé, une pure hérésie vu l’utilitarisme en vogue dans notre société contemporaine. Dans un contexte politique meurtri par les délires de toute puissance, qui exacerbe le présent et abolit l’avenir, partir «à l’aventure» en poursuivant un idéal est devenu totalement anachronique. Peu importe, notre anti-héros Quichotte semble prêt à affronter l’adversité pour vivre son rêve éveillé: être un livre errant, prêt à se cogner au monde féroce.