Réouverture le 9 juin 2020, prolongation jusqu'au 23 août 2020
Scrivere Disegnando (« Écrire en dessinant ») est une exposition sur l’écriture et son ombre. Y sont passées en revue différentes expériences, du début du XXe siècle à nos jours, dans lesquelles l’écriture abandonne sa fonction de communication pour s’aventurer sur les terres de l’incommunicable, de l’indicible. L’exposition cherche précisément à explorer la tension de la graphie, l’oscillation entre écriture, dans sa dimension proprement sémantique, et la terra incognita de la simple arabesque, de l’automatisme, du signe répété et du gribouillis.
Toutes les œuvres présentées habitent un territoire particulier, dans lequel le geste d’écriture reflète davantage le « vouloir dire » que le « dire » lui-même, et davantage la force du sens que l’acte du signifié, pour paraphraser Giorgio Agamben. Une écriture parfois en délire, poussée au-delà du sens, qui devient trace existentielle et affirmation de soi, mais aussi élément fantastique, métaphore du monde et de ses mystères. Notre recherche a pour objet cette ancestrale tension humaine à vouloir surpasser la dimension communicative de l’écriture, vers la réappropriation gratuite et absolue du signe graphique, de son patrimoine créatif et imaginatif.
Fruit d’une collaboration inédite entre la Collection de l’Art Brut de Lausanne, et une institution d'art contemporain, cette exposition réunit pour la première fois des personnalités très diverses : des artistes historiquement liés à l’art brut, dont certains ont mené leur activité d’écriture dans des maisons de repos et des asiles psychiatriques, ainsi que des artistes contemporains. Ce qui rassemble des personnalités aussi différentes, c’est cette volonté de saisir dans l’écriture un ailleurs, de dépasser la dimension sémantique de la langue pour en explorer librement le potentiel novateur et fantastique.
Un des éléments d’intérêt qui ressort de l’exposition est la question de la relation historique indissociable entre écriture et pouvoir, entre langage et genre. En ce sens, le projet présente également une exploration du statut de la parole des femmes au cours du siècle dernier. Dès le début du XXe siècle, nombre de femmes ont mené des expériences de graphie compulsive, souvent illisible, comme moyen d’expression existentielle dans un monde patriarcal les rendant politiquement invisibles et socialement inaudibles. Le temps de l’écriture est comme un temps de vie, un geste privé, une trace et l’outil d’une connaissance de soi mais aussi un instrument de rébellion et d’expression artistique.
Cet ambitieux projet s’enrichit d’œuvres commandées pour l’occasion à des artistes contemporains engagés dans la construction de langues secrètes, d’alphabets imaginaires ou de véritables « langues personnelles ». Enfin, l’exposition est agrémentée d’une série de vitrines qui regroupent d’une part des objets et exemples d’écritures asémiques d’artistes, et proposent d’autre part un panorama historique de l’utilisation de langues imaginaires dans la littérature.
Un catalogue de près de 300 pages richement illustrées sera publié par Skira en éditions française et anglaise à l’occasion de cette exposition. Il rassemblera des essais spécialement commandés à des curateurs, critiques, artistes, philosophes et universitaires autour des questions d’écriture asémique afin de guider le lecteur à travers ces écritures plurielles. Ainsi, outre les textes d’Andrea Bellini et Sarah Lombardi, ce volume comprendra également des contributions de Derek Beaulieu, Federico Campagna, Vincent Capt, François Chastanet, Andrea Cortellessa, Morad Montazami, Joana Neves, Marta Spagnolello, Michel Thévoz et Marina Yaguello. Des notices biographiques et artistiques un centaine d’artistes complèteront cette publication.
Avec des œuvres de : Douglas Abdell, Vincenzo Accame, Rosaire Appel, Tchello d’Barros, Gianfranco Baruchello, Tomaso Binga, Irma Blank, Nick Blinko, Alighiero Boetti, Marcia Brauer, Frédéric Bruly Bouabré, Elijah Burgher, Axel Calatayud, Gaston Chaissac, Laura Cingolani, Guy de Cointet, Aloïse Corbaz, Dadamaino, Betty Danon, Hanne Darboven, Michel Dave, Michael Dean, Mirtha Dermisache, Emmanuel Derriennic, Jean Dubuffet, Giordano Falzoni, León Ferrari, Chiara Fumai, Pepe Gaitán, Jill Galliéni, Ryan Gander, Anne-Marie Gbindoun, Marco Giovenale, Rafael González, Giorgio Griffa, Mariangela Guatteri, Gustav, Elisabetta Gut, Brion Gysin, Ana Hatherly, Emma Hauck, Takanori Herai, Joseph Heuer, Susan Hiller, Steffani Jemison, Carlo Keshishian, Annalies Klophaus, Maria Lai, Fabio Lapiana, Jürg Lehni, Dwight Mackintosh, Kunizo Matsumoto, Viviane Van Melkebeeke, Reinhold Metz, Henri Michaux, Miriam Midley, Bruno Munari, J.B. Murray, Gastone Novelli, Palanc, Giulio Paolini, Luca Maria Patella, Enzo Patti, Jean Perdrizet, Nathalie Perrin, Laure Pigeon, Renata Prunas, Justine Python, Svetlana Rabey, Carmen Racovitza, Judit Reigl, Jane Ruffié, Valeri Scherstjanoi, Salome Schmuki, Greta Schödl, Luigi Serafini, Jeremy Shaw, Hélène Smith, Ivana Spinelli, Martina Stella, Lina Stern, Laurence Sterne, Barbara Suckfüll, Jenna Sutela, Cecil Touchon, Louise Tournay, Jeanne Tripier, Pascal Vonlanthen, August Walla, Robert Walser, Galaxia Wang, Melvin Way, et Adolf Wölfli.
Curateurs : Andrea Bellini et Sarah Lombardi
Section documentaire : Sara De Chiara
Programme public : Étudiant·e·s Work.Master de la HEAD – Genève avec la complicité de Pierre Leguillon, artiste et enseignant