Le Centre de la photographie Genève présente la première exposition monographique institutionnelle d’Anne Morgenstern, artiste allemande basée en Suisse. Entièrement consacrée à son dernier projet, l’exposition explore les relations entre corps et identité, déconstruisant de manière subtile les normes et les attentes sociales entourant le corps.
Le flux d’images rigoureusement édité et séquencé de ce corpus permet à des questions d’émerger progressivement chez les visiteurs : qu’est-ce qui rend un corps beau et désirable ? Qu’est-ce qui rend un corps normal, et qui décide qu’un corps se situe en dehors des normes ? Comment nos identités sont-elles ancrées dans notre corps, et comment nous permet-il de performer ces identités ? Comment ces identités sont-elles négociées ? Comment les relations que nous entretenons avec notre corps changent-elles et évoluent-elles, et quelles facultés d’agir possédons-nous ? Comment désirons-nous, comment agissons-nous en réponse à ces désirs ?
Avec ce projet, Anne Morgenstern donne avant tout une visibilité à des corps individuels, que ce soit dans leur singularité immédiate, ou dans leur banalité apparente — deux notions qui s’entremêlent et deviennent de plus en plus difficiles à différencier au fur et à mesure de la visite. L’artiste crée ici un corpus d’images qui répond adroitement et avec sensibilité à un besoin urgent de visibilité et de représentation des personnes dont le corps ou les désirs ne se conforment pas aux attentes sociales les plus courantes, et donc les plus visibles. Elle le fait sans les indexer ou les classifier, et donc sans imposer de nouvelles démarcations, catégories ou définitions.
Enfin, son corpus tisse des parallèles entre les images et les mécanismes du désir : objets, animaux, intérieurs et éléments naturels sont juxtaposés aux corps d’une manière qui semble à la fois parfaitement cohérente et totalement fortuite, tout comme le désir résiste à une dissection analytique exhaustive. Les textures et les sensations se font écho au fil des images, tandis que les couleurs et les formes répétées guident le regard d’une photographie à l’autre, d’un corps à l’autre. Porté par ce rythme, l’individu se dissout dans un flux de visuels et de sensations, nous attirant, nous invitant à mettre nos propres désirs à l’épreuve, et à désirer, pleinement et sans honte.
En parallèle à l’exposition, le livre Macht Liebe consacré à ce projet et comprenant un essai de Danaé Panchaud, paraîtra en 2022 chez Hartmann Books à Stuttgart.