La décadanse

YARON HERMAN PIANO

Temple de la Madeleine

"Alma" ouvre une toute nouvelle porte pour le pianiste Yaron Herman. Après dix albums, le voici qui se jette dans le vide et, pour la première fois, nous offre un corpus entièrement improvisé, à la fois sidérante photo de l’instant et foisonnant miroir de son passé. Rappelons que Yaron se trouve contraint par une blessure au genou à mettre un terme à une prometteuse carrière de basketteur, il se plonge alors dans la musique, à l‘âge de seize ans. Son apprentissage, sous l’égide d’Opher Brayer, l’encourage dans une vision holistique où l’étude de la musique est la partie d’un tout qui intègre la philosophie, la psychologie et les mathématiques. Le piano est ainsi au centre d’une réflexion plus globale, un compagnon de voyage pour tenter de décrypter les mystères du monde. L’on oublie parfois qu’à l’aube des musiques, jusqu’à la fin du 16ème siècle, l‘improvisation «totale» était au coeur de la pratique. C’est le chemin que suit Yaron Herman lorsqu’il franchit la porte du studio pour y graver "Alma". Sans aucun scénario préconçu, il va aller au bout d’une forme de lâcher-prise, être tout entier à l‘écoute de ce que la musique a à lui dire, ouvrir des portes vers des espaces qui lui sont encore inconnus. Improviser c’est composer en temps réel. Lorsque l’on écrit de la musique, le geste premier - ce que l‘on nomme parfois «inspiration» - est improvisé. Composer c’est d’une certaine façon, improviser muni d’un crayon et d’une gomme. "Alma" procède ainsi d’un flux qui dépasse la musique elle-même, et trouve sa source dans l’impérieux désir de «toujours laisser la porte entrebâillée pour inviter ce qui doit arriver à se produire.» Construire de la sorte des pièces concises et savamment architecturées, inventer des mélodies qui se développent en suivant une logique qui se définit en temps réel est un processus d’une infinie complexité. Sont alors requis une capacité d’invention et de concentration hors norme, un sens du présent doublé d’une (in)conscience du futur sans laquelle aucun développement n’est possible. "Alma", est une rare invitation, une danse intérieure qui nous emmène très loin.
Signaler une erreur Ajouté par Les Atheneennes (Les Athénéennes) le 5 juin 2023