A CAPTIVE, Chantal Akerman, France, Belgique, 2000, 108’
Au tout début du film un homme visionne un film super 8 muet montrant un groupe de jeunes filles en vacances au bord de la mer et essaye de déchiffrer les mots prononcés par deux d’entre elles. La Captive de Chantal Akerman sera l’histoire de la névrose de cet homme, amoureux fou d’une femme qui lui échappe, et l’histoire d’un décryptage impossible (pour l’homme), celui du mystère féminin. La rencontre avec l’œuvre de Proust permet à la cinéaste de revenir sur des thèmes qui la passionne, l’un frontalement, l’autre de manière plus indirecte : l’homosexualité, la question juive, – et leur mise en perspective par Proust autour de la discrimination, la honte, la dissimulation – et surtout le rapport à l’Autre.
Akerman opte pour une adaptation moderne, avec un certain décalage. Le temps du film est celui de son tournage, en 2000, mais il se déroule dans un monde bourgeois cossu où les vêtements, les voitures évoquent une autre époque, plus ancienne. Le narrateur (prénommé Simon, interprété par Stanislas Merhar) vit dans le passé… Simon est un personnage à la fois obsessionnel et romantique, qui cherche à percer le mystère de sa fiancée Ariane (Sylvie Testud, Albertine rebaptisée dans le film) et lui faire avouer son attirance pour les filles, son homosexualité soupçonnée.
La Captive est un grand film sur l’altérité, un film opaque et mental qui introduit un trouble tenace chez le spectateur. Un film mental qui montre que l’amour n’est pas seulement physique : les deux amants inventent un dispositif érotique où ils trouvent leur compte, en jouissant tous les deux de façons presque déconnecté. Simon nourrit sa névrose en choisissant un « obscur objet du désir » qui lui échappe, une femme dissimulatrice et fuyante. Simon rejoint le narrateur proustien mais aussi les personnages névrotiques des films de Buñuel ou Hitchcock. (Olivier Père)