La décadanse

Festival EVERYBODY’S PERFECT: JE, TU, IL, ELLE de Chantal Akerman

Spoutnik

Collaboration avec le festival EVERYBODY’S PERFECT

Il y a trois ans, on avait collaboré une première fois avec le festival Everybody’s Perfect, autour d’un film magnifique, Hide and Seek (1996) de la cinéaste expérimentale Su Friedrich. Cette année, le festival est revenu vers nous. Et cela a été l’occasion de poursuivre la recherche autour du cinéma expérimental et de ses rapports possibles avec des récits LGBTIQ+. On a découvert le travail de Coni Beeson, cinéaste américaine qui a composé une forme de célébration du désir lesbien dans ses courts-métrages en 16mm. Coni bricole au tout début des années 70 et est probablement l’une des premières à ouvrir une brèche quant à la représentation du couple féminin dans sa sexualité.
Plus au moins dans les mêmes années, en 1974 précisément, Chantal Akerman réalise Je, tu, il, elle. La cinéaste se met en scène dans une chambre, nue, cloîtrée et occupée à écrire et déchirer des lettres à une destinataire inconnue. Jusqu’à un corps à corps possible avec cette amante, son personnage traverse des situations tendues – notamment avec un homme – et cherche une place. En contraste avec l’allégresse des films de Coni Beeson, celui d’Akerman inscrit le désir et l’érotisme dans un¨parcours nécessairement tortueux et contrarié.

Tom et Nathan

JE, TU, IL, ELLE, Chantal Akerman, Belgique, 1974, 90’

Lorsqu’elle tourne ce premier long métrage de fiction, largement autobiographique, Chantal Akerman a 24 ans. Le titre, Je, tu, il, elle scande les quatre temps du film.
Je: une jeune femme (Chantal Akerman), seule chez elle, déplace ses meubles, finit par les pousser contre les murs et par s’allonger par terre.
Tu: en mangeant du sucre à la petite cuillère, elle écrit des lettres. Les jours passent, les pages s’accumulent.
Il : après plusieurs semaines passées à déchirer et à recommencer ces lettres, elle sort le soir et rencontre un camionneur qui lui parle de lui, du désir, de son rapport aux femmes.
Elle : en pleine nuit, la jeune fille va chez une amie qui la repousse d’abord, puis partage avec elle son repas et son lit. Au petit matin, la jeune fille part sans un mot.
«Chaque fois que je revoie le film, l’image –la mienne –qu’il me renvoie me met mal à l’aise. Je n’ai pourtant apparemment plus rien de commun avec ce personnage hors du social, désespéré, et qui pourtant pose geste après geste, avec une sorte de décision secrète, un désespoir muet proche du hurlement».
Chantal Akerman
Signaler une erreur Ajouté par Cinéma Spoutnik le 5 septembre 2023